Nous sommes accueillis à Port en Bessin par son maire et son adjoint. Il a convié autour de la table des pêcheurs, le directeur de la coopérative, la directrice des services de la commune et un représentant du département. L’objet de cette rencontre : écouter le monde de la pêche concerné par l’implantation d’un parc éolien déjà décidé.
Au fil de la réunion, la discussion porte sur l’évolution des activités de pêche. Depuis plusieurs années, l’effort a été porté sur une amélioration de la qualité. Des aménagements ont été opérés sur les bateaux, les caisses où sont rangés les poissons ont été modifiées, les transferts vers la criée garantissent un bon état de la ressource. Toute la chaîne d’activité est centrée sur un objectif : pêcher moins, mais vendre mieux. Et cela produit ses effets. La valeur des produits a progressé. Cette politique a été favorisée par des investissements publics du Département sur le port. Et cette meilleure valorisation permet désormais d’investir dans des bateaux neufs. Choisir de s’endetter pour 2 ou 3 millions d’euros suppose d’avoir foi en l’avenir.
Or, cet avenir est souvent obscurci par des contraintes nouvelles : l’évolution du climat et ses répercussions sur l’état de la mer et donc des ressources ; le Brexit qui peut bousculer l’équilibre actuel entre le nombre de bateaux présents et la ressource à prélever.
Autre contrainte : la création de parcs éoliens en mer. S’ils ont « accepté » la création d’un parc à Courseulles-sur-Mer, nos interlocuteurs rappellent que cela reste une contrainte forte pour leur activité. Certes, ils ont participé à une simulation de pêche dans le futur parc, mais ils n’en concluent pas qu’ils iront y pêcher. Ils s’interrogent avec suspicion : pourquoi veut-on absolument nous convaincre que l’on pourra y pêcher ?
Mais décider de créer d’autres parcs leur semble impensable. Car il n’en n’a jamais été question lorsqu’on les a convaincus d’accepter le leur. Car cela leur semble être une fuite en avant que de prendre une telle décision sans retour d’expérience des parcs déjà décidés. Car il y a le Brexit qui peut se traduire par l’arrivée de bateaux hollandais, belges se repliant des côtes anglaises sur la baie de seine.
Peut-on prendre le risque de déstabiliser les efforts de qualité de leur filière et de ruiner leur investissement en temps et en bateaux neufs.
Voilà les messages qu’ils pourraient exprimer à l’occasion du débat public. En espérant être entendus. Sur ce point, ils doutent.