Préparer et conduire un débat public en transparence

Nous allons vous raconter, de l'intérieur, comment se prépare et se conduit un débat public. Et aussi comment il se conclut.

Nous témoignerons ici de nos rencontres, de nos questionnements et de nos décisions.

La question m’est régulièrement posée ces derniers jours : pourquoi donc, présider un débat public dont on connait le contexte bien difficile ? La réponse la plus évidente : parce que la CNDP me l’a proposé au vu semble-t-il de mes expériences de garant de concertations. Une autre réponse : c’est que j’aime les défis. Associer, pour la première fois, les publics en amont d’une décision publique importante et aux impacts forts est un défi motivant. Mais d’où vient cette motivation ?

A 64 ans, je boucle une vie professionnelle riche et variée, consacrée pour une part et depuis 25 ans au dialogue social, aux concertations et aux débats publics. J’y ai beaucoup appris et m’y suis enrichi de centaines de relations humaines nouées au fil de ces démarches. Des centaines de visages me reviennent, des mots entendus me sonnent encore aux oreilles, des instants de dialogue intense restent cristallisés dans ma mémoire. Est-ce que ces milliers heures consacrées par des milliers quidams ont toujours été utiles ? Certes non.

Mais au bilan, il me semble qu’il en reste toujours quelque chose, une influence parfois minime et à première vue sur les décisions. Mais parfois une influence bien plus significative.

Du premier débat public que j’ai accompagné en 1994, au côté de Martine Bartoloméi, sur le TGV Ouest, il reste un tracé bien différent de celui imaginé dans les bureaux d’ingénieurs. De la concertation sur le prolongement de la ligne 11 du métro parisien, il reste une station supplémentaire. On la doit à une rencontre avec les habitants d’un quartier isolé et à cette femme qui demandait une station accessible pour que sa fille puisse aller facilement à l’Université. Le directeur du projet a compris l’attente sociale et a su convaincre les décideurs franciliens. Des premiers états généraux des malades du Cancer en 1998, conduits avec Sarah Mélhénas, est né 6 années plus tard le Plan Cancer décidé par Jacques Chirac. Et pourtant, combien de mises en garde avions-nous reçu : faire parler des malades, faire parler des proches de malades, faire dialoguer des malades et des soignants, il ne fallait pas y penser, trop sensible, trop dangereux. Il a fallu la détermination du Président de la Ligue contre le Cancer, Henri Pujol, pour dépasser ces réticences.

Je pourrai multiplier les exemples de l’utilité, minime ou essentielle, de ces dialogues, débats et concertations. Certains projets n’ont pas résisté au filtre du dialogue public. D’autres ont été grandement modifiés, d’autres améliorés seulement à la marge.

Pourtant, je le constate souvent, les doutes sur l’utilité de ces démarches se renforcent. Beaucoup n’y voient qu’une manœuvre habile pour faire avaliser des décisions déjà prises. De trop nombreux exemples viennent alimenter cette crainte.

Alors, pourquoi malgré tout continuer à œuvrer pour le dialogue, le débat et la concertation ? Il s’agit pour moi d’une filiation, d’une culture ancienne, d’un profond respect pour de nombreux prédécesseurs ou compagnons du débat public ou du dialogue social, connus ou anonymes. Je pense ici à Georges Mercadal, François Bertault, Philippe Marzolf mais aussi à Pierre Guyard le Picard, à Jean Solà, à Jean Marie Charpentier ou à Catherine Hoyez. Je pense aussi à ceux qui empruntent désormais ce chemin : Emilie et Simon.

Je pense aussi à mon père.

Ancien chaudronnier il est devenu au fil du temps et du travail le responsable des relations sociales d’une grande entreprise publique. A l’occasion d’une grève puissante, il a rencontré un dirigeant syndical. Ensuite, pendant 20 années, ils ont bataillé, se sont opposés, ont dialogué, discuté et négocié. Au jour de l’enterrement de mon père, ce dirigeant CGT était là pour prendre la parole et témoigner qu’au-delà de leurs conflits une relation forte s’était nouée et avait permis des avancées collectives. Quel plus bel hommage aux forces du dialogue.

Voilà bien quelques bonnes raisons d’accepter d’animer, avec toute une équipe un débat public, même si le sujet est difficile, même si le contexte est tendu.

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