Préparer et conduire un débat public en transparence

Nous allons vous raconter, de l'intérieur, comment se prépare et se conduit un débat public. Et aussi comment il se conclut.

Nous témoignerons ici de nos rencontres, de nos questionnements et de nos décisions.

C’est mon premier déplacement sur le terrain depuis que je suis chargée du suivi et de la coordination des débats publics à la CNDP. Je suis particulièrement curieuse de ce débat car il répond a un parti pris assez audacieux : celui de distinguer une phase de partage des connaissances (15 novembre-8 février), d’une autre phase de co-construction de scénarios (8 février- 28 mars), qui seront pour finir mis en débat dans un troisième temps (28 mars- 15 mai).

Que signifie ce phasage par rapport à la mission de la CNDP qui est de garantir le droit à l’information et à la participation du public ? Doit-on comprendre que l’information du public est un préalable indispensable à sa participation et qu’il faut procéder par étape, informer d’abord, participer ensuite ? Mon travail consiste entre autre à rassembler et valoriser les différentes approches méthodologiques développées par les commissions particulières, et à ce titre c’est une hypothèse qui m’intéresse.

Dans la salle de cinéma où se tient la rencontre de Fécamp, les cent places sont bientôt occupées, et même si jamais présentation PowerPoint n’aura vu si grand écran, le dynamisme des différentes prises de parole installe une qualité d’attention qui ne se démentira pas jusqu’à ce que la rencontre se termine, près de 3h plus tard.

A y regarder de plus près, je me demande si ce n’est pas la première intervention intempestive d’un groupe de pêcheurs qui, bien accueillie par Jean-Pierre Tiffon, a rebattu les cartes de la rencontre en faisant d’emblée la démonstration que les connaissances à partager étaient, en puissance, strictement partout dans la salle.

Dès lors, les interventions « programmées » se sont entremêlées à des interventions « non programmées » si bien que certains intervenants annoncés ont fini par parler depuis leur place dans la salle, les torsions de cervicales étant largement consenties par le reste des participants.

Je réalise à ce moment que j’ai fait une erreur d’interprétation : exposer ses connaissances, c’est déjà forcément débattre. Il ne s’agit donc pas ici de séparer une phase d’information d’une phase de participation mais de verser l’ensemble des connaissances en présence dans un pot commun, d’identifier et de clarifier les prises de positions de chacun et de faire émerger finement les enjeux sous-jacents au débat …« Comme si on faisait une grande instruction collective du dossier » pour reprendre les mots de Luc Picot, secrétaire général du débat.

Se faisant, chacun participe à une reconnaissance mutuelle des compétences en présence, à la mise au jour d’ententes ou de tensions insoupçonnées, et à une acculturation au principe d’équivalence de traitement des contributions.

Je sais que cette phase n°1 est encore loin d’être terminée et que certains défis demeurent :

  • Comment gérer l’éclatement territorial des différents rencontres pour organiser une progression dans les échanges tout en assumant que certaines choses soient dites plusieurs fois à des endroits différents du périmètre envisagé pour le projet ?
  • Comment repérer et verser au débat de nouvelles connaissances, c’est-à-dire des études ou des retours d’expérience qui auraient émergé récemment, ou qui seraient portés par des gens qui ne se considèrent pas a priori concernés par le débat ?
  • Comment enregistrer et cartographier les arguments et les positions qui vont émerger de cette phase ?

J’espère que la commission particulière ne m’en voudra pas de poser des questions sans esquisser de réponses et que les lecteurs de ce blog me pardonneront cet article consacré à des questions de méthodologie de la participation… une chose est sûre : je suis ravie de pouvoir continuer à suivre ce beau débat !

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